Art book & roman

Philippe G. Moreau écrit comme il vit, sans s’encombrer des règles et des carcans. Après avoir publié MINUTE PAPILLON, un livre d’art où il a épinglé ses images et ses récits comme des insectes dans des boites d’entomologiste, il a écrit son premier roman en 2022, LA VOLEUSE DE TOURMENTS…

La voleuse de tourments

ROMAN de Philippe G. Moreau

Être né quelque part, c’est toujours un hasard. Pour le jeune Irving Fairbanks, naitre à Boston était le fruit d’un hasard qui semblait avoir, en apparence, bien fait les choses. Une famille aimante, des amis, une belle fiancée, une situation confortable et une carrière toute tracée dans le commerce du thé. Rien ne semble devoir entacher son existence tranquille.

Pourtant, la guerre du Viêtnam s’invite à table et assombrit ce parfait tableau. Au hasard des événements qui vont le mener sur des contrées asiatiques, son destin sera bien différent de ce qu’il avait prévu.

Minute Papillon

ARTBOOK by Philippe G. Moreau

Empli de photographies et d’histoire(s), ce livre emporte le lecteur par son franc-parler et son irréductible humour.
Il y est question de Boulogne-sur-Mer, de moussaillons emportés par les flots, de cylindrées inoubliables, de fêtes entre potes et de corps sublimés par l’objectif.

Impossible de réduire l’ouvrage à un style, à un genre. Pas de case pour cet objet littéraire non identifié, mais un véritable plaisir de lecture  qui se confirme de page en page…

PREFACE, PAR MARIE-LAURE DESJARDINS

L’itinéraire vrai d’un enfant gâté

Au début, le livre est muet. Seulement des légendes. Les photos parlent d’elles-mêmes. L’histoire débute parce qu’ils sont jeunes, parce qu’ils ont 20 ans. Cathy sourit à pleines dents, marche sur la plage, pose dans un taxi londonien, sort de l’eau, attend un enfant… Quand on est l’épouse d’un photographe, impossible d’échapper à l’objectif.

S’ensuivent trois portraits de leurs deux filles, Hyacinthe et Alice. Non pas des photos d’enfants mais de femmes, complices et naturelles. Rien n’est fabriqué. Philippe G. Moreau fixe l’instant. Quelques lignes d’une chanson d’Yves Simon viennent pourtant distraire le regard. Tel un préambule, elles nous préparent. Bientôt, le livre deviendra bavard. Il faudra nous faire lecteurs.

« Te souviens-tu de la beauté du jardin avec ses superbes couleurs rousses provençales ? » La voix de l’auteur monte pour la première fois. Les courbes, la peau, du visage, du corps, impressionnent la pellicule comme l’eau et le vent, le paysage.

Un extrait d’une chanson anglaise s’inscrit sur le blanc de la page. « Trains and boats and planes are passing by / They mean a trip to Paris or Rome… » Il faudra désormais penser en chanson.

Sidi Bou Saïd, Étretat, Marrakech, Los Angeles, Santa Monica… les pages nous transportent. Inutile de chercher une progression chronologique. Le livre ne s’intéresse pas à reproduire exactement un parcours, mais s’exprime au fil d’une mémoire vivante. Les événements surgissent de géographies et de temps toujours autres. Une photo prise au Cap-Vert livre son making of  : « Les ombres profondes dans toute leur puissance créent des graphismes noirs intenses. » 

La nature se dessine à travers l’appareil. Les titres livrent leur part d’essentiel. Il n’est pas rare qu’ici aussi des évocations affleurent. Une fois repérée la première, puis la deuxième, l’esprit en alerte se pique au jeu. Comme dans une chasse au trésor, il tente de mettre au jour des indices, traque la phrase étrange, se saisit du moindre doute. Cette fois, c’est certain, j’en tiens une  ! Peut-être ou peut-être pas. 

Aucune importance, car l’écriture de Philippe G. Moreau est une fabrique d’images. Elle puise dans les détails conservés par l’œil, convoque les refrains qui l’innervent. Précisons pour les curieux que toutes les références sont regroupées à la fin de l’ouvrage.

S’enchaînent alors quelques travaux. « Some Works », préfère l’artiste qui adore le rock’n’roll, les guitares et les top models ! Défilent ainsi sous nos yeux des années d’insouciance professionnelle où tout semble possible, ou presque. Les mannequins ont encore de la chair sur les os, les cinéastes tournent en marcel, les ombrelles ne sont pas encore l’apanage des seules poupées japonaises. Installée sur un fauteuil en osier (peut-être), une gazelle aux jambes fuselées se dore au soleil. Parfaite illustration d’un « Sea, Sex and Sun » que nous ne connaîtrons plus jamais. Tant le plastique a envahi la mer, le sida la sexualité et les mélanomes la peau.

Dans le garage, la Morgan jaune montre le bout de son nez. Une ambiance à la Hopper se dégage. Ciel ! Il ne s’agit pas d’une photo. Arrivé à ce point, l’ouvrage bascule. Il n’est plus question de témoigner d’une sensation, d’un temps, d’une envie, mais doffrir une forme à une association d’idées.

Philippe G. Moreau s’intéresse de nouveau à la manière dont notre cerveau fonctionne spontanément. Chaque tableau est l’aboutissement d’un scénario discuté et exécuté par son ami Jean-Louis Ducarn. Ensemble, ils rassemblent des documents, choisissent un style, une composition… Puis, pendant que le peintre se saisit des pinceaux, l’auteur raconte les tenants et les aboutissants de chaque œuvre.

Le voyage se poursuit. Nous nous promenons dans le jardin du musée Rodin et découvrons les périssoires d’Étretat. Philippe G. Moreau nous fait partager ses souvenirs d’enfance à Sainte-Geneviève-les-Roses, nous parle de son admiration pour Giacometti, nous invite à observer une drôle de scène près des Deux-Magots parisiens. 

Il y a aussi l’histoire d’un ramoneur, de touristes en lunettes noires, d’un égoutier chanteur et de ceux qui ne cherchent qu’à avoir une vie. L’auteur n’écrit plus, il raconte à l’oreille. Son vocabulaire s’adapte au sujet. Il n’hésite pas à employer l’argot ou le patois pour mieux nous faire entendre son propos et à abandonner la réalité pour réaliser une sorte de docu-fiction version papier. Sans compter qu’il va jusqu’à donner au texte plus d’importance qu’à l’image. « Mystery Train ou Comment j’ai retrouvé Agnès b. » ne se commente pas. L’histoire happe, stupéfie et hante. D’autant plus qu’elle est vraie.

Avec « Some Words », l’ultime partie de Minute Papillon, une autre étape est franchie. Il ne s’agit plus simplement pour l’auteur de nous inviter dans son passé et de nous faire comprendre comment advient une création, mais de partager son regard sur la vie et sur son associée, la mort. Il traite alors de l’injustice, de l’insouciance, de l’absurdité, du destin, de la futilité et aussi de la beauté. 

Ce qu’il a appris, compris, il l’écrit sans ambages, sans se hausser du col, simplement, mais toujours en y invitant quelques autres : poètes, écrivains, compositeurs… et surtout l’humour, sans lequel rien ne peut être relaté savoureusement .

Quelques mois avant l’élection de François Mitterrand à la tête de la France, les pervenches font leur travail comme à l’habitude, mais, dans le pays, de nombreux petits malins ne règlent déjà plus leurs PV. Ils misent sur la traditionnelle amnistie d’après les présidentielles. Pendant ce temps, une force tranquille est à l’œuvre. Un vent nouveau se lève. Jack Lang fourbit ses idées. Le monde de la culture bruisse d’impatience. Nous sommes en 1981. De son côté, Philippe G. Moreau réfléchit à un nom pour sa future société. Minute Papillon l’a beaucoup amusé. Il dépose la marque et se promet un jour den faire… un livre.